Dans les années 80, à la fin de mes études secondaires, je voyais des filles qui me semblaient avoir une bonne connaissance d’elles-mêmes, peu de complexes et du cran. Je les enviais, même pour les petits gestes de bravoure qu’elles posaient pour tracer leur propre voie en dépit de la pression de leurs parents et de la société, en défiant les règles vestimentaires ou en laissant carrément tomber l’uniforme à la fin de la journée pour aller prendre une bière à L’Annexe, leur précieuse carte d’identité falsifiée à la main. Il y avait aussi les filles excentriques, que j’admirais pour leur intelligence et leur détermination à changer le monde, même quand elles devenaient de plus en plus marginalisées. Elles avaient un je ne sais quoi de particulièrement attachant.

Michelle Feder
Michelle Feder

Elles paraissaient étonnamment libres de toutes les habituelles normes de prudence que j’avais d’une façon ou d’une autre intériorisées sous l’influence de mon milieu ou, pire encore, que je m’étais imposées. Garder le contrôle, ne pas me laisser distraire, m’intégrer (en quelque sorte), m’amuser, mais pas trop – Dieu m’en garde! – parce qu’il ne faut pas laisser les portes de mon avenir se refermer. J’ai eu beaucoup de béguins, mais je comprends maintenant qu’il s’agit d’une expérience courante chez les lesbiennes : je ne savais pas si je voulais être une de ces filles ou être avec l’une d’entre elles.

Je me suis mariée, j’ai eu des enfants et j’ai été très heureuse pendant de nombreuses années en me construisant une vie relativement traditionnelle, mais peu conventionnelle à la fois avec l’école à la maison, l’entrepreneuriat et une fermette. J’avais depuis longtemps perdu de vue la personne bisexuelle dont j’étais si proche ainsi que les jeunes hommes gais avec qui je travaillais lorsque j’étais serveuse durant mes années à l’université. À l’exception notable de ma propre fille, je n’avais plus d’amis queers dans mon cercle rapproché. Mais je me tenais toujours près de la communauté pour observer des gens qui, selon moi, étaient des personnes géniales qui vivaient leur vie à fond et pour m’imprégner un peu de leur aura lumineuse.

Après 20 ans, mon mariage s’est terminé, et il y a seulement trois ans, elle a fini par entrer dans ma vie – tout bêtement, au cours d’un dîner entre collègues. L’attirance était très forte. Nous sommes rapidement devenues « meilleures amies », mais j’ai tout de même mis plus de six mois à voir la direction que prenait notre relation. C’était aussi magnifique qu’étonnant de constater à quel point on peut fermer les yeux sur sa vraie nature.

Au travail, dans ma famille et dans mon cercle d’amis, tout le monde nous a souhaité du bonheur et a manifesté son soutien quant à notre amour et à notre mode de vie. Les seules questions que l’on m’a posées étaient « Es-tu heureuse? » et, évidemment, « L’as-tu toujours été? », ce qui me fait sourire. Au bureau, j’ai reçu des encouragements discrets et respectueux à dévoiler mon orientation – certains dirigeants de l’organisation s’affichent ouvertement comme membres de la communauté 2SLGBTQIA+, et j’ai été invitée à apporter ma contribution positive aux efforts d’inclusion en étant aussi ouverte que je le voulais. C’est un beau geste, mais je ne suis pas sûre que je représente la communauté, même s’il est bon de souligner que chaque expérience est unique et légitime. Je suis fière de notre organisation et je crois qu’elle est un bon exemple à suivre et qu’elle exerce une influence positive : elle offre un environnement respectueux, accueillant, attentif et exempt de faux-semblants qui comprend que les gens ont une vie qu’ils devraient être libres de vivre. Par son soutien inconditionnel, ma propre chef a prouvé que dans toute organisation, ce sont les gens, et particulièrement les dirigeants, qui définissent la culture par leur comportement. Les gestionnaires réellement sympathiques et chaleureux qui restent simples et qui sont présents en cas de besoin sont des cadres en or.

Ma sortie du placard n’a heureusement pas causé de remous, de douleur ou de drame, et ce n’est pas le fruit du hasard. Je suis reconnaissante envers tous les membres de la communauté 2SLGBTQIA+ qui ont démontré du courage et de la confiance en eux quand je ne pouvais pas faire de même. Envers ceux qui se sont heurtés à la discrimination, au rejet, au chagrin et à l’affreux doute de soi et qui ont tout de même choisi de mener une vie authentique. Envers ceux qui se sont battus pour que mon expérience puisse être plus normale et pour que je puisse plus tard sortir du placard en toute sécurité sans que ma vie en soit chamboulée. Ce n’est pas le fruit du hasard si la réaction de mes collègues et gestionnaires a été « Ah bon? Nous te souhaitons d’être heureuse! Nous sommes là si tu as besoin de soutien. Bon, retournons au travail. »

Cette réaction est peut-être normale, mais elle n’est pas encore la norme. Il y a tant de raisons de célébrer et de se montrer reconnaissant, mais il reste aussi tant à faire. Peut-être ai-je maintenant le courage de joindre ma voix à celles de la communauté. Qui voudra me suivre?

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