Dans la série de balados « femmes innovantes », nous réalisons des entrevues enrichissantes et inspirantes avec les femmes audacieuses et passionnées qui façonnent le monde du travail de demain.

Dans cet épisode de notre balado « Femmes Innovantes », Marie-Noëlle Morency, idéatrice du programme Les femmes qui transforment le monde du travail de Randstad Canada, s’entretient avec l'étincelante Farah Alibay, une ingénieure en aérospatiale du Jet Propulsion Laboratory de la NASA qui a participé aux missions InSight, Mars Cube One et Mars 2020. Lisez ici le récit de cette conversation.

Vous pouvez aussi écouter le balado sur SoundcloudSpotify, and iTunes.

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Une rencontre avec Farah Alibay

farah, votre bagage culturel est très riche. Vos parents viennent de Madagascar, vous êtes née à Joliette et avez grandi en Angleterre. Comment ces expériences ont-elles forgé la personne que vous êtes aujourd’hui?

En effet, j’ai quelque chose de cosmopolite. J’ai eu la bénédiction de pouvoir vivre un peu partout dans le monde et d’avoir une famille multiculturelle.

Ça me sert bien aujourd’hui, car l’ingénierie requiert beaucoup de travail d’équipe, et pour travailler en équipe, il faut comprendre les autres. Il faut écouter l’avis de gens de tous les horizons.

Je pense que mon parcours fait de moi une personne à l’esprit plus ouvert qui est davantage prête à remettre en question ses idées reçues.

quand avez-vous découvert votre intérêt pour les sciences et l’ingénierie? À l’époque, était-ce inhabituel pour une fille de choisir les sciences comme domaine d’études?

J’ai commencé par aimer l’espace et l’exploration, comme la plupart des enfants des années 90, qui ont grandi en regardant Star Wars et Star Trek. L’un des films qui m’a marquée a été Apollo 13.

La plupart des gens de mon âge vous diraient qu’à l’époque, ils voulaient devenir astronautes. Sauf que moi, je n’ai jamais renoncé à ce rêve. Je me disais : « Oui, devenir astronaute, ça me semble faisable. »

Enfant, j’étais toujours en train de bricoler et d’essayer de comprendre le monde qui m’entourait. Logiquement, je me suis rendu compte que je pourrais en faire une carrière.

Mais ça m’a pris du temps avant d’en arriver à cette conclusion. Je regardais des films ou je voyais des personnes que je croyais être des astronautes ou des ingénieurs célèbres, mais il y avait peu de femmes, encore moins de femmes de couleur, et encore moins de Canadiennes françaises de couleur venant d’une petite ville appelée Joliette! Il m’a donc fallu quelque temps pour trouver ma place.

Même au secondaire, quand j’ai dit à l’orienteuse que l’ingénierie m’intéressait, elle m’a répondu : « Penses-tu que ce soit la bonne voie pour toi? C’est un domaine à dominante masculine. Je ne sais pas si tu trouveras ta place dans ce monde. »

À ce moment-là, plutôt fâchée, je me suis dit que j’allais lui montrer que je pouvais y arriver. En rétrospective, maintenant que je suis adulte, je me rends compte qu’elle ne voulait pas mal faire. Elle me prévenait en fait des défis que j’allais devoir relever.

Mon cas sortait de l’ordinaire. À l’époque – et c’est encore vrai aujourd’hui –, la société ne disait pas toujours, en voyant une jeune fille réussir à l’école : « Tu devrais être ingénieure, astronaute ou travailler dans les technologies. »

J’ai entendu beaucoup de choses comme : « Tu devrais être enseignante ou médecin. » D’excellents emplois, mais de nature très sociale ou axés sur les gens. Nous avons tendance à cantonner les femmes dans ces rôles qui montrent de grandes habiletés au lieu de leur offrir toutes les possibilités existantes.

même si les filles et les garçons obtiennent en moyenne les mêmes notes aux examens, les garçons ont deux fois plus de chances que les filles de se diriger vers les STIM...

C’est fou! Mais les choses changent. Quand j’étais enfant, il y avait la voie des garçons et celle des filles, et le choix se faisait seulement à partir de là.

C’est pourquoi beaucoup de filles se sont désintéressées des sciences assez tôt, et elles le font encore. Souvent, c’est parce qu’elles se sont fait dire que ce n’était pas un domaine très féminin ou qu’on les traitait d’intellos.

Les gens en sont plus conscients maintenant, et la situation a beaucoup évolué ces dernières années. J’ai donc bon espoir que ces statistiques changent pour la prochaine génération, mais on verra.

eh bien, nous avons besoin de modèles comme vous pour nous montrer l’étendue des possibilités. Particulièrement à la NASA. Dites-nous, comment s’y rend-on?

Il faut beaucoup de persévérance. Je dis souvent qu’un grand rêve peut être un peu plus difficile à perdre de vue. Comme le mien avait toujours été de travailler à la NASA, plus particulièrement en exploration robotisée, disons que j’ai foncé. Je sais que ça semble étrange, mais y a-t-il une autre façon d’y arriver?

C’est ainsi que j’ai entrepris des études en génie aérospatial en Angleterre. En terminant ma maîtrise, j’ai reçu une offre d’emploi de Rolls-Royce. Une excellente entreprise où travailler sur des moteurs à réaction. Cet emploi s’annonçait génial, à la pointe de la technologie et tout à fait dans mes cordes, donc je l’ai accepté, mais le MIT m’a ensuite offert de passer mon doctorat, ce qui cadrait parfaitement avec mon rêve.

Ce fut l’un des moments charnières de ma vie : quelle voie allais-je choisir? Je me suis lancée en me disant : « Je fais un acte de foi et je vais au MIT. » Je me suis retrouvée à faire des stages. Les stages sont une excellente façon de savoir où on voudra peut-être travailler, selon notre adéquation culturelle, mais peuvent aussi être perçus comme des entrevues qui durent dix semaines.

Pour les employeurs, c’est une façon très efficace d’apprendre à vous connaître et d’établir une relation avec vous. C’est aussi une excellente façon de mettre le pied dans une entreprise. Dans mon cas, c’est ce qui m’a enfin permis de trouver ma place et de recevoir une offre d’emploi.

comment les choses se passent-elles? Avez-vous déjà eu à surmonter des préjugés ou des obstacles, et comment l’avez-vous fait?

Absolument. En tant que jeune femme immigrante de couleur, bien sûr que j’ai fait face à des préjugés. Il faut être réaliste. Aucun endroit n’est parfait, mais bien des milieux de travail s’améliorent. J'ai été considérée différemment par telle ou telle personne ou dans telle ou telle situation.

J’ai arrêté de compter les fois où des gens ont présumé que j’étais la secrétaire parce que j’étais la seule femme dans la pièce. Mais j’ai des exemples plus flagrants, comme le fait qu’on ne m’ait pas attribué le mérite du travail que j’avais accompli ou de ne pas m’être fait poser de questions sur mon travail, que d’autres personnes se faisaient poser!

Mais les choses s’améliorent. Au début de ma vie professionnelle, si je prononçais les mots « sexisme » ou « préjugé » ou si je disais avoir l’impression qu’on me traitait différemment, on me répondait souvent : « Mais non, Farah, c’est dans ta tête. Le sexisme, ça n’existe plus en 2010. » Et je me disais : « De quoi tu parles? J’en subis en ce moment même. »

Alors, on dira ce qu’on voudra du livre En avant toutes, mais quand il est paru, je me suis dit : « Oh, je ne suis pas seule. » Ensuite, il a fait grand bruit et a contribué à catalyser les changements qu’on voit aujourd’hui.

J’ai réussi à surmonter cet obstacle en trouvant des alliés parmi des personnes qui ne font partie d’aucune minorité et peuvent m’offrir une place à leur table! Mais aussi parmi des personnes qui appartiennent peut-être à une minorité, mais peuvent quand même amplifier ma voix, ou du moins se mettre à ma place et m'aider à redresser la situation. Personne ne peut faire ça tout seul. Ça s’inscrit toujours dans un changement de culture, mais c’est aussi une question d’entraide.

Pour aider les autres, j'essaie à mon tour de reproduire ce qui m'a aidé. Je tâche de faire preuve de sensibilité dans les réunions et les conversations pour veiller à ce que chacun puisse y participer en ayant l’impression que ses efforts sont valorisés et en se sentant respecté et libre d’être soi-même en milieu de travail.

cette optique vous aide-t-elle à être une meilleure leader, mais aussi à mieux travailler en équipe?

Elle me rend très empathique, et l’empathie joue un rôle important. Si on peut se mettre à la place d’une autre personne et comprendre ce qu’elle ressent, même si sa personnalité est différente et qu’elle voit les choses d’un autre œil, alors nos actes partiront d’une bonne intention et on pourra l’aider.

pensez-vous que le mentorat est l’un des outils importants pour aider les femmes à se tailler une place confortable dans les STIM?

Le mentorat est un outil important en général, tout court. C’est particulièrement vrai en ingénierie et dans mon métier, parce que ce que j’ai appris à l’école, ce n’est pas ce que je fais au quotidien.

Ça s’applique sûrement à beaucoup d’emplois. Ce n'est pas comme si je pouvais apprendre à l'école comment construire un véhicule astromobile conçu pour Mars. Mais certaines personnes les ont construits avant que l'un de ces véhicules ne se pose sur Mars récemment. On peut donc apprendre de ces personnes, ou du moins apprendre ce qu’elles ont fait et s’adapter en conséquence pour s’améliorer.

Ainsi, l’ingénierie passe beaucoup par l’apprentissage et le mentorat. S’il existe des inégalités dans les milieux de travail, ce n’est pas faute de mentorat. C’est en partie parce que les gens ont tendance à servir de mentor aux personnes qui leur ressemblent.

Un homme blanc qui regarde devant lui et voit 10 autres hommes blancs parmi ses gestionnaires trouvera très facilement un mentor ou une personne qui se reconnaîtra en lui et voudra l’aider.

Ce sera beaucoup plus difficile pour une femme de couleur de regarder devant elle et de se dire : « Bon, personne ne me ressemble. Personne ne comprendra ce que je vis. » Ses gestionnaires ne seraient pas de mauvais mentors pour autant. Seulement, ce sera beaucoup plus difficile pour elle, en tant qu’employée, d’aborder l’un d’eux pour tenter de s’en faire un mentor.

Par conséquent, en encourageant le mentorat et en formalisant le processus, on favorise l'équité en mettant tout le monde sur un pied d'égalité. Ce n’est pas réservé qu’aux hommes. Dire « Je te connais, je vais t’obtenir le poste. », ça ne marche pas comme ça.

On peut espérer qu’un jour, un peu plus de diversité rendra le processus plus naturel. Les gens s’habitueront à ne plus seulement servir de mentor aux personnes qui leur ressemblent et à tenter de trouver de jeunes ingénieurs qu’ils pourront guider dans leur carrière.

compte tenu des obstacles que les femmes ont à surmonter, que pouvons-nous faire d’autre pour renforcer leur autonomie et les encourager à se diriger vers les STIM?  

Cibler les filles de 1 à 10 ans et de 10 à 12 ans, rendre les sciences ludiques et accessibles, et leur montrer qu’elles peuvent s’amuser et en faire une carrière. Ce n’est pas réservé aux garçons!

Montrer des modèles positifs aux filles de 12 à 18 ans avant qu’elles aillent à l’université, des exemples de femmes membres de minorités qui ont réussi dans leur domaine! C’est ce qu’il nous manque à mon avis.

De tels modèles m’auraient aidée à me rendre compte que Mae Jemison et Julie Payette ne sont pas les seules à avoir réussi. Dans tant d’endroits, tant de femmes qui me ressemblent ont vécu des expériences similaires et couronnées de succès dans leur domaine!

En ce qui concerne les études collégiales, il faut s’assurer :

  • que les stages sont équitables, en fonction du bassin de candidats;
  • d’offrir des opportunités aux gens;
  • de tenir compte des effets socioéconomiques de l’offre de stages.

Par exemple, j’ai pu aller faire un stage loin de chez moi parce qu’il était assez bien rémunéré pour me permettre de payer un loyer. Je n’avais aucune responsabilité à la maison, mais ce n’est pas forcément le cas de tout le monde, car les contextes socio-économiques varient.

Il faut donc être sensible à cette réalité et comprendre que si nous voulons plus d’équité, nous devons offrir de meilleurs salaires aux étudiants pour leur permettre de se joindre à nous et d’assurer la subsistance de leur famille.

Les statistiques montrent une augmentation générale du nombre de femmes à s’inscrire à des cours de STIM, mais plusieurs les quittent, ce qui pose un autre gros problème.

Cela peut s’expliquer de multiples manières. Atteint-on la parité? Comment valorisons-nous les femmes? Quelles occasions leur donnons-nous? Offrons-nous des services de garde d’enfants appropriés? Les femmes reçoivent-elles une aide adéquate à la maison?

C’est un gros problème. J’ai clairement vu beaucoup d’industries faire des progrès à ce chapitre. Elles se rendent compte que les progrès ne doivent pas s’accomplir qu’au sein de leurs entreprises.

C’est beau de voir tant d’entreprises investir dans l’éducation, dans des stages, dans les jeunes. Elles s’aperçoivent qu’elles investissent ainsi dans la main-d’œuvre de demain. Cette démarche devrait être inscrite dans leur plan stratégique à long terme.

l’avenir sourit donc aux jeunes filles qui se dirigeront vers les STIM, et vous dites que les choses s’améliorent sans cesse. Il ne reste qu’à renforcer ce message et à travailler plus fort en veillant à ce que chacun assume sa part de responsabilité. Tout le monde doit apporter sa contribution.

Absolument. Vous avez raison, l’avenir s’annonce prometteur. Nous faisons des pas de géant, mais tout le monde doit collaborer à la résolution du problème que posent ces inégalités dans notre société.

qu’est-ce qui vous attend au cours de la prochaine année?

Au cours des prochaines années, j’espère continuer à évoluer d’un poste à l’autre dans mon organisation en visant les échelons supérieurs, des postes de direction plus influents.

Pour ce qui est d’apprendre, et donc d’endosser de plus en plus de responsabilités techniques et ainsi de suite, c’est un cycle sans fin. C’est ce à quoi mon travail ressemblera.

En dehors du bureau, je passe beaucoup de temps dans les écoles et les entreprises, à donner des conférences. Partager mes expériences et certains des défis auxquels j'ai été confronté me procure une grande joie.

Nous espérons que l’information fournie vous aidera à mieux comprendre le rôle que jouent les femmes comme Farah Alibay dans l’évolution du monde du travail et vous donnera envie d’en savoir plus sur le programme « les femmes qui transforment le monde du travail ». Pour de plus amples renseignements, rendez-vous au www.randstad.ca/fr/femmes.

« femmes innovantes » (#FemmesInnovantes) est une série de balados présentée par Randstad Canada dans le cadre du programme « les femmes qui transforment le monde du travail ». Nous sommes fiers, à Randstad Canada, de célébrer le 10e anniversaire de ce programme visant à aider les femmes à s’orienter dans un monde du travail en constante évolution.

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Pour en savoir plus sur le programme « les femmes qui transforment le monde du travail », rendez-vous sur notre microsite « les femmes qui transforment le monde du travail », où vous trouverez une foule d’autres ressources sur les femmes dans le monde du travail, comme des balados, des documents infographiques et des études.

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